Claude GOUIN Journaliste - Radio Campus Besançon
Maison des étudiants
36a Avenue de l’Observatoire
25030 Besançon CedexClaude GOUIN - Journaliste redactioncampus(@)gmail.comMaison des étudiants
Martine Chalvet explore ces mécanismes d’interaction entre l’homme et la forêt sur deux autres périodes : de la fin du 15ème siècle à la fin du 19ème et de la fin du 19ème à nos jours. Que ce soit au sujet de l’industrialisation, du système agro-sylvo-pastoral ou de la protection des forêts, elle invite à se défaire d’une perception dichotomique de l’homme et de la nature, afin de penser l’interrelation étroite entre les différentes composantes d’un milieu. Le combat associatif pour la préservation de la nature et de la forêt remonte à la fin du 19ème siècle. La forêt, source de matière première devient progressivement un bien culturel à préserver, un bien dont la mémoire nationale repose sur le mythe d’un espace étranger à la civilisation, « un idéal mythifié par des élites urbaines en mal de nature ». Coupé d’un quotidien avec les campagnes, ces derniers oublient que l’espace forestier fut toujours le résultat des confrontations et entrelacements avec l’homme dans le temps. Alors que la superficie de la forêt s’est multipliée par deux depuis le 19ème siècle et que les espaces en friche ne cessent de croître, l’inquiétude urbaine de sa conservation augmente avec l’assimilation de la destruction de la forêt à celle de l’homme.
Ce livre, Demain, seuls au monde ?, foisonnant et descriptif, évoque mille aspects de la biodiversité (sans fin) et de ses multiples implications humaines, économiques, sociales... Il le fait avec vie, ferveur et parfois une certaine poésie. Il nargue l’impossibilité de répertorier cette diversité, tant l’inventaire complexe dépend largement de la progression des techniques (on pourrait dire des technodiversités !). Ainsi répertorier les espèces des océans implique de fabriquer un bathyscaphe descendant de plus en plus profond (10 916 m pour Picard).
Par choix, l’ouvrage traite essentiellement de la biodiversité dite des espèces, écartant plus ou moins celles des gènes et des écosystèmes. Ce faisant, il rappelle l’historique de cette notion : depuis la « diversité biologique » de la forêt amazonienne (1980), jusqu’au concept du sociobiologiste Wilson qui fait florès depuis 1986 en contractant les deux mots précédents. En bref, 1,8 millions d’espèces sont aujourd’hui listées, mais les spécialistes estiment que 100 millions restent à découvrir (certes avant leur éventuelle disparition) ! Découverte qui n’est pas un privilège occidental, puisque le peuple Baka (Congo) en a répertorié 650 à lui seul (dont 392 médicinales, 237 artisanales et 13 alimentaires). Une des plantes, le ngongo, n’a pas moins de 23 utilisations.
petit ouvrage présenté par Yann Arthus-Bertrand possède non seulement une grâce exquise* (format, caractères, photos magiques d’ébènes en fleurs roses ou de rennes en liberté) mais aussi une réelle portée informative. Réalisé avec les ambassadeurs (et drices) « de bonne volonté » du Programme des Nations Unies pour l’Environnement, il révèle le rôle capital joué par nos forêts avec une touche de poésie (Nazim Hikmet), un brin de romantisme (Chateaubriand), une sagesse tous azimuts (proverbe cri ou chinois) suivies d’opportunes statistiques. Pédagogique, il invite à la découverte de ces lieux qui couvrent 26% de la planète, de leurs habitants réels ou imaginaires (tribus, esclaves, loups-garous) , de ses usages (cueillette, santé) ou de ses services (biodiversité, réserve d’eau, recyclage de l’oxygène et élimination de la pollution, vertu thérapeutique découverte de 5 000 espèces sur 250 000 à analyser, etc.). Tant de menaces pèsent sur cette verdure rongée par la déforestation ou les pluies acides, décimée par les feux de forêt (1 million d’ha au cours de l’été 2010 pour la seule Russie, 350 millions au total par an). Des impératifs pragmatiques de protection dérivent de ce dur bilan : il faut confier la forêt aux communautés qui l’habitent. Actuellement pas moins de 1,6 milliards d’hommes subsistent grâce à elle.
Il est un seuil parfois plus invisible qu une lisière, peut-être le seuil le plus intérieur de toute forêt : celui où disparaît une nature encore
familière, et ou commence celle qui revêt la dimension de l Ailleurs. C est lors de ce franchissement que très spontanément, nous venons à dire « oui ! c est là ! ».
Désormais notre voix devient plus basse, nos échanges plus laconiques jusqu à se dissimuler dans le silence de l écoute.
Si nous entrons dans cette vieille forêt naturelle seulement avec un regard, il se peut qu à l inverse nous en ressortions avec une vision.
Effectivement en ces terres perdues, nous pouvons dépasser la seule disposition à voir pour nous retrouver dans cette impression
d entendre intérieurement ce que nous voyons ! Notre regard devient habité par tout ce qui vit. Il n y a pas que notre vue ; tous nos sens
s intériorisent, se recueillent pareillement. La résonance du lieu incise nos perceptions. Dès lors, nous sommes troublés de découvrir
qu un monde aussi étranger à nous-mêmes puisse autant vibrer dans l inconnu de notre intimité ! Une sensation plus vive d exister nous
envahit graduellement et nous déborde. L impression de reprendre connaissance nous conquiert. C est comme si l éveil extirpait de
nous un oubli qui outrepasse la seule mémoire de notre existence...
Organisé par le WWF France, RNF, REFORA, le MAB France et le Cemagref, le colloque a rassemblé plus de 330 gestionnaires, naturalistes, penseurs et scientifiques à Chambéry du 27 au 31 octobre 2008. L’ouvrage permet de dévoiler des éléments scientifiques mais également sociologiques sur un vaste sujet d’actualité : tenter d’intégrer à la gestion de la biodiversité, la naturalité, l’empreinte humaine et le sentiment de nature.